Au salon Renodays, la démission express du gouvernement Lecornu plonge le bâtiment dans la sidération. Entre gel de MaPrimeRénov’, instabilité politique et colère des artisans, la filière réclame un cap clair et durable pour la rénovation énergétique.
Dès le premier grand débat du salon Renodays, la nouvelle a coupé court aux discours sur la transition énergétique : le gouvernement Lecornu vient de démissionner, quatorze heures à peine après avoir été formé. Un énième épisode d’instabilité qui exaspère le monde du bâtiment.
« C’est totalement scandaleux qu’il n’y ait personne aujourd’hui pour représenter l’État », s’indigne Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). « On a eu la chance, pendant même pas un an, de voir Valérie Létard se battre vraiment pour qu’on ait un budget acceptable. »
Pour lui, la rupture dans la politique du logement doit venir « soit de Bercy, soit directement de l’Élysée », car « c’est là que se décident les vraies politiques aujourd’hui ».
« Nos impôts ne ruissellent pas »
La colère gronde aussi du côté des artisans. Jean-Christophe Repon, président de la CAPEB, pointe un système absurde : « 2,6 milliards d’euros consommés en six mois, et pourtant nos entreprises n’en voient pas la couleur. Nos impôts ne ruissellent pas : les chiffres d’affaires plongent, les chantiers s’arrêtent. »
Les artisans, formés et équipés pour la rénovation énergétique, se sentent trahis.
« On demande juste de la stabilité, de la cohérence. Nos entreprises ont investi, et aujourd’hui tout est figé. »
De la pause à l’asphyxie
Franck Durand, secrétaire national de l’Unsfa, ne mâche pas ses mots :
« Ce n’est plus du stop-and-go. C’est un stop tout court. On a investi, on s’est formés, on a bâti nos modèles dessus. Aujourd’hui, ce stop fait mourir nos entreprises. »
Le gel estival de MaPrimeRénov’ et la fin annoncée de certains “mono-gestes” dès 2026 achèvent de tendre les esprits.
Le logement social sous pression
Pour Nadia Bouyer, directrice générale d’Action Logement, il faut sortir du grand écart :
« Ne plus opposer rénovation et construction neuve. La France a besoin des deux. »
Objectif : 200 000 logements rénovés d’ici 2027, dont 43 000 déjà achevés en 2024. Mais sans continuité politique, même cet élan risque de s’essouffler.
Des milliards fragiles
Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Anah, rappelle l’impact colossal du dispositif : « Depuis 2020, MaPrimeRénov’, c’est 14 milliards d’euros de subventions, 44 milliards de travaux. » Mais derrière les chiffres, la machine tousse : plateforme en maintenance, fraudes à répétition, et une suspension estivale qui a gelé des milliers de dossiers.
Jean-Christophe Repon alerte : « Les gros montants attirent les fraudeurs. Il faut un budget calibré sur les besoins réels, pas sur les effets d’aubaine. » Et prévient, lucide :
« Avec un plafond à 30 000 euros, impossible de faire de la qualité. Aucun artisan sérieux ne peut s’y retrouver. »
MaPrimeRénov’ à la croisée des chemins
La CAPEB veut désormais consulter sa base. Une enquête sera lancée pour mesurer l’envie — ou non — de continuer l’aventure MaPrimeRénov’.
Objectif : redéfinir un parcours de rénovation “par geste”, simple, efficace et ancré dans la réalité des entreprises.
« S’il doit y avoir un nouveau changement, qu’il soit stratégique », martèle Jean-Christophe Repon. « Il faut soutenir les gestes accessibles, concrets, cohérents. »
Dominique PARRAVANO




















