A l’initiative de la Commission Nationale des Agricultrices (CNA) de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), une table ronde a été organisée avec la participation entre autres de Cécile Beaudonnat, présidente de la Commission Nationale des Femmes de l’Artisanat, lors du salon de l’agriculture sur la place des femmes dans les milieux professionnels majoritairement masculins. Avec, en filigrane : leur engagement et leur parcours professionnel, les freins rencontrés et les leviers actionnés pour parvenir à acquérir une légitimité. Morceaux choisis.

À l’instigation de la Commission Nationale des Agricultrices (CNA) de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), une table ronde a été organisée le 2 mars lors du salon de l’agriculture sur la place des femmes dans les milieux professionnels majoritairement masculins. L’objectif était de laisser à voir à des jeunes filles et femmes des exemples de réussites professionnelles dans de tels milieux et d’insister sur les compétences et qualités à développer pour de tels itinéraires.

Étaient présentes à cette table ronde entre autres :

Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances ; Véronique Langlais, présidente du Syndicat des Bouchers de Paris ; Cécile Beaudonnat, présidente de la Commission Nationale des Femmes de l’Artisanat ; Manon Pisani, Agricultrice, trésorière adjointe de Jeunes Agriculteurs ; Christiane Lambert, agricultrice, présidente de la FNSEA ; Catherine Faivre-Pierret, agricultrice, présidente de la CNA et Karen Serre, agricultrice, ancienne présidente de la CNA.

Des femmes qui prennent la clé des champs

De l’avis de toutes les participantes, la métaphore du « plafond de verre » remplit plus que jamais son office pour attirer l’attention sur les obstacles auxquels se heurtent les femmes pour accéder à certains métiers considérés comme masculins à l’instar de l’agriculture ou des métiers du bâtiment, objets de la table ronde. Un accès à la parité souvent difficile dans des environnements insuffisamment mixtes avec des femmes souvent dernières de cordée et pénalisées dans leurs trajectoires individuelles où se perpétuent des entre-soi masculins qui tendent à figer leurs devenirs sociaux. Et, en filigrane, un verrou : le stéréotype de la force physique, la musculature et la résistance à l’effort qui obère le recrutement féminin dans ces professions.

Animée par Jacqueline Cottier, agricultrice et ex-présidente de la CNA, cette dernière a expliqué que « la loi limite le recours au statut de « conjoint-collaborateur » à une durée de cinq ans. Au-delà de cette période, en tant que chef d’exploitation, si son conjoint continue à participer de façon régulière à l’exploitation ou à l’entreprise agricole, elle doit choisir un statut de « salarié » ou de « co-exploitant » ». Et, de reprendre : « Contrairement au passé, les agricultrices d’aujourd’hui choisissent le métier grâce notamment à la modernisation et l’amélioration de nos conditions de travail. Les femmes occupent une place de plus en plus grande. Elles doivent oser !  »

Casser les stéréotypes de genre

De son côté, Cécile Beaudonnat a estimé que si ce secteur manque encore de mixité, des initiatives émergent et les « femmes y ont toute leur place en dépit de stéréotypes encore trop ancrés ». Elle a rappelé certaines initiatives de la Capeb dont la campagne de communication « Osons les métiers du bâtiment au féminin ». « Notre objectif, c’est de déconstruire les stéréotypes de genres, et susciter des vocations pour les métiers du bâtiment, les encourager à oser, à prendre confiance en elle et à vivre pleinement leur aventure entrepreneuriale. Sur le terrain, nos commissions organisent régulièrement des réunions dans les CFA ou les collèges pour attirer les jeunes vers nos métiers ».

Véronique Langlais a déploré que les femmes n’aient pas les mêmes droits que les hommes alors « qu’elles ont un rôle majeur et que les banques ne leur accordent pas la même confiance qu’aux hommes ». Actuellement en cours d’installation sur une exploitation porcine de type naisseurs-engraisseurs, Manon Pisani, très engagée aux Jeunes Agriculteurs, remercie les générations précédentes de pouvoir exercer aujourd’hui son métier « sans emprise de son mari ». Elle souhaite par son engagement perpétuer la culture familiale de défense du métier et en montrer une image positive en communiquant auprès du grand public sur la réalité des pratiques agricoles dans les élevages.

Karen Serre constate, de son côté,  que les choses ont évolué et qu’après « s’être battues pour obtenir un statut, les femmes agricultrices sont enfin considérées comme des cheffes d’exploitation ». Et, de reprendre : « Il faut être égaux en droits mais pas identiques aux hommes. Il faut rester soi-même, y compris dans sa féminité et cultiver la sororité ».

Un métier choisi et non plus subi

 « Aujourd’hui, les femmes agricultrices choisissent vraiment ce métier, ce n’est plus un métier subi c’est vraiment un métier choisi a expliqué Christiane Lambert. Une vraie professionnalisation s’est produite. Il a fallu attendre 1985 pour que les femmes d’agriculteurs aient accès à un statut reconnu. Mais jusqu’en 2006, l’accord du conjoint était nécessaire pour avoir le statut de conjoint collaborateur ! Aujourd’hui, les femmes représentent 33 % des actifs agricoles. Beaucoup ont le statut de salarié. La proportion de femmes parmi les nouveaux installés augmente. Il faut qu’elle ose postuler et s’engager et leur formation est primordiale ». Et, Catherine Faivre-Pierret, nouvelle présidente de la CNA, de rebondir : « A nous de maintenir la place des femmes en faisant valoir nos complémentarités avec les hommes. Il faut ouvrir les portes ! ».

Véronique Langlais a déploré que la pénibilité du métier soit mise en avant de manière excessive et contre-productive , selon elle pour donner l’envie d’accéder à ces métiers et pousser ainsi la mixité.

Un plan gouvernemental le 8 mars

La table ronde a été conclue par l’intervention de la ministre Isabelle Rome qui appelle de ses vœux d’introduire de la mixité dans les métiers du bâtiment et de l’agriculture. « Les organisations mixtes fonctionnent mieux, il y a une meilleure ambiance, un meilleur équilibre » a-t-elle expliqué. Et, de reprendre : « Il faut évacuer le cliché qui prétend que lorsqu’une profession se féminise, elle se dévalorise. ». Elle a par ailleurs annoncé que le vaste plan gouvernemental pour l’Égalité entre les femmes et les hommes sera dévoilé le 8 mars prochain.

 

La ministre Isabelle Rome et Christiane Lambert.