Le Gouvernement a décidé de suspendre dès le 1er juillet l’instruction de tous les dossiers MaPrimeRénov’. Une décision brutale qui jette un froid glacial sur des milliers de chantiers, frappe les artisans de plein fouet et fragilise toute la dynamique de la transition énergétique. À la Capeb, c’est la stupeur. Et la colère monte.

Le couperet est tombé. À partir du 1er juillet, plus aucun dossier MaPrimeRénov’ ne sera examiné par l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Une décision gouvernementale sans ménagement, qui prend de court des milliers d’artisans du bâtiment déjà engagés sur le terrain. Des travaux attendus, parfois déjà instruits, se retrouvent brutalement gelés.

« Cette suspension représente un coup de massue pour les artisans. On coupe le moteur en pleine course, alors qu’on affronte le défi du siècle en matière de transition énergétique. » s’insurge Jean-Christophe Repon, président de la Capeb.

Des conséquences immédiates : des carnets vides et chantiers bloqués

La décision est loin d’être anodine. Des milliers d’entreprises se retrouvent sans visibilité, parfois engagées sur des chantiers désormais à l’arrêt. Les effets en chaîne sont déjà palpables : commandes suspendues, trésoreries en tension et confiance des clients brisée. « Les dossiers en attente de validation resteront lettre morte, déplore Jean-Christophe Repon. Laisser cette situation durer jusqu’à la fin de l’année est irresponsable. »

Un secteur déjà en détresse

Ce coup d’arrêt survient dans un contexte déjà alarmant. L’artisanat du bâtiment enregistre un huitième trimestre consécutif de baisse d’activité. Sur les trois premiers mois de 2025, le recul atteint -5 %. L’année 2024, elle, s’est soldée par un bilan funeste : 14 000 TPE disparues et 28 000 emplois détruits.

À l’heure où le Gouvernement parle d’accélérer la transition énergétique, cette suspension interroge. « MaPrimeRénov’ est aujourd’hui le seul vrai déclencheur de travaux pour les ménages, martèle la Capeb. Le couper revient à sacrifier des milliers d’emplois locaux et à renoncer à un outil de justice sociale. »

Un système défaillant dénoncé de longue date

L’exécutif justifie ce gel par une dérive budgétaire et la suspicion de 16 000 dossiers frauduleux (environ 12 %). Mais pour la Capeb, le mal était connu et ignoré. « Nous avons alerté depuis des mois sur les dérives de certains Accompagnateurs Rénov’. Ils gonflent les dossiers, proposent des bouquets irréalistes et se retrouvent parfois juges et parties », accuse Jean-Christophe Repon.

La réforme de 2024, qui a privilégié les rénovations globales aux gestes simples, a accéléré cette dérive. Résultat : flambée des coûts, envolée des aides, et mise à l’écart des artisans locaux, étranglés dans un marché capté par quelques opérateurs peu scrupuleux.

« Geler un dispositif stratégique en plein déploiement, c’est plus qu’une erreur. C’est un danger », s’alarme Jean-Christophe Repon.

Alors que la transition énergétique exige un effort collectif et constant, l’État envoie un signal désastreux : celui du renoncement. Et au sein du secteur, la fracture se creuse. « On éjecte les artisans pour mieux ouvrir la porte aux fraudeurs. C’est l’économie vertueuse qu’on est en train d’asphyxier. » Pour la Capeb, le constat est sans appel : les choix politiques actuels sacrifient les entreprises artisanales au profit d’une logique court-termiste. L’organisation ne compte pas rester les bras croisés. Une riposte se prépare, à la hauteur du choc ressenti par tout un secteur.

Dominique PARRAVANO