Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 prévoit une augmentation des charges patronales pour les bas salaires. L’idée est de rendre le Smic moins intéressant financièrement et de rompre avec l’effet de seuil qui favorise une stagnation salariale dans le secteur du bâtiment entre autres. On vous explique tout.
C’est un revirement sans précédent dans les politiques de l’emploi depuis trois décennies. Le gouvernement envisage, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, d’alourdir le coût du travail au niveau du Smic dès l’an prochain. Une réforme qui se fera en deux étapes. Il s’agit ainsi de briser le tabou des allègements de cotisations patronales sur les bas salaires. Un tabou inspiré par le rapport des économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer remis au gouvernement et qui met fin à une politique vieille de 30 ans. Objectif : inciter les employeurs à revaloriser les bas salaires. Ces allègements qui se sont empilés depuis les années Balladur ont conduit à ce qu’un salarié au smic (1 747 euros brut mensuels) soit presque intégralement exonéré de cotisations pour son employeur. Sous l’effet de la progression rapide du salaire minimum depuis 2021 (+ 16 %), le coût de ces allègements pour les finances publiques a considérablement enflé, atteignant près de 80 milliards d’euros en 2023.
Trois seuils d’exonérations
Aujourd’hui, il existe trois seuils en matière d’exonérations de charges patronales : un premier, fixé à 1,6 Smic concerne les bas salaires (près de 40% d’allègements au niveau du Smic puis un taux dégressif jusqu’à 1,6 Smic) ; un deuxième est établi à 2,5 Smic (baisse de 6 points de la cotisation d’Assurance maladie, qu’on appelle le «bandeau maladie») et un dernier à 3,5 Smic (réduction de 1,8 point de la cotisation d’allocations familiales, aussi surnommée le «bandeau famille»).
Ces exonérations étant beaucoup plus fortes au niveau du Smic et juste au-dessus, les chefs d’entreprise ont ainsi peu d’intérêt à augmenter les plus faibles rémunérations. Du coup, cela «accentue les risques que le Smic soit un “salaire à vie”», estime le gouvernement dans la publication du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
Une réforme en deux étapes
Ce projet de budget de la Sécu pour 2025 prévoit une réforme du système actuel en deux étapes dans le but de «permettre aux entreprises de s’adapter et de protéger l’emploi», a justifié Astrid Panosyan-Bouvet. L’objectif est de «favoriser le dynamisme de la progression des salaires tout en préservant l’emploi» selon la ministre du Travail.
Dès le 1er janvier 2025, il s’agirait de réduire de deux points les exonérations (autrement dit, de relever de deux points les cotisations) au niveau du smic et jusqu’à 1,3 smic. Parallèlement, les exonérations de cotisations à l’assurance maladie (le «bandeau maladie»), qui vont jusqu’à 2,5 smic, s’éteindraient désormais à 2,2 smic. Et celles sur les cotisations destinées à la branche famille (le «bandeau famille») de la Sécurité sociale prendraient fin à 3,2 smic au lieu de 3,5.
En 2026, les exonérations au niveau du smic seraient réduites de deux points supplémentaires, mais parallèlement, elles seraient renforcées pour les salaires entre 1,3 et 1,8 smic.
En effet, la pente des exonérations jusqu’à 1,6 smic est accusée, par les effets de seuil qu’elle génère, de favoriser le phénomène des «trappes à bas salaires». Lisser la pente entre 1,3 et 1,8 smic pourrait donc, espère le gouvernement, inciter les employeurs à davantage augmenter leurs salariés. Une telle réforme permettra de dégager, dès 2025, 4 milliards d’euros d’économies. Ces dernières seront affectées aux branches maladie, vieillesse et famille.
Inquiétudes
Ces mesures commencent à susciter des inquiétudes des chefs d’entreprise du secteur du bâtiment qui craignent que l’alourdissement du coût du travail ne freine l’embauche, surtout dans un contexte économique incertain où elles peinent déjà à recruter et à maintenir leurs niveaux de compétitivité. Dominique PARRAVANO