Depuis plus de quinze ans, cet artisan peintre parisien adhérent de la Capeb, arpente la capitale à vélo, pots de peinture et rouleaux bien arrimés. Un mode de déplacement devenu, pour lui, bien plus qu’un simple outil logistique : un véritable art de vivre urbain.

Casquette de livreur vissée sous le casque, sac étanche sur le dos, vélo cargo de plus de deux mètres entre les jambes : Jean-Claude Marzana a tout du coursier habitué à slalomer dans les bouchons parisiens. Et pourtant, derrière cette silhouette dynamique se cache un artisan peintre. À la tête de Solis, une petite entreprise de trois salariés installée dans le XIᵉ arrondissement de Paris, Jean-Claude Marzana est spécialisé dans la peinture de bâtiment et la décoration murale. Ce matin de juin 2025, alors que le soleil cogne déjà sur le bitume dès 8 h 30, il fonce à vélo vers son fournisseur historique, Colorine, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis).

« C’est agréable de rouler le matin ! Ça met en jambes pour la journée, ça détend et ça fait gagner du temps »

Arrivé sur place, il charge sans effort deux pots de peinture de 15 kilos dans le compartiment avant de son vélo cargo. En une minute, l’affaire est pliée. « Je pourrais en mettre deux de plus, explique-t-il en calant les seaux. Le vélo est électrique, ça aide pour le démarrage quand c’est chargé. Et une fois lancé, on a l’impression de rouler à vide. »

Une routine qui a quinze ans

Loin d’être un déplacement isolé, l’utilisation du vélo est une routine pour l’artisan dans une métropole devenue difficile d’accès en voiture. Une routine qui ne date pas d’hier : « Je roule en vélo remorque pour approvisionner mes chantiers depuis quinze ans », se rappelle-t-il. Une pratique qui n’a pas particulièrement un fondement écologique, même si Jean-Claude est particulièrement sensible à cette cause : « Je ne suis pas un fervent défenseur de l’écologie, mais je n’aime pas polluer. Puis, la situation de la circulation à Paris m’a conforté dans ma démarche : je gagne du temps, de l’argent et c’est aussi bon pour mon corps que pour mon esprit. »

Davantage de temps et de détente

Malgré les kilos supplémentaires à l’avant, la densité de cyclistes à cette heure et les voitures pressées du matin, Jean-Claude Marzana navigue avec aisance. Slalom fluide, dépassements agiles : rien ne semble pouvoir ralentir son vélo cargo. Mais prudence avant tout. « C’est simple : priorité à droite et à gauche. Je ne force jamais le passage, que ce soit face à une voiture, un vélo ou un piéton », précise-t-il, fidèle à une conduite respectueuse de la ville et de ses usagers.

En quinze minutes à peine, il rejoint Pigmacolor, sur le boulevard de Ménilmontant, juste en face du cimetière du Père-Lachaise. En voiture, il lui aurait fallu plus du double. Ce temps gagné lui permet d’échanger quelques mots avec le vendeur, de charger quelques produits complémentaires et de repartir vers le chantier du jour.

Direction la rénovation d’un duplex près du canal Saint-Martin, à cinq minutes de descente douce. Une livraison express, efficace. Car le vélo, finalement, n’occupe qu’une portion réduite de sa journée, juste le temps des approvisionnements.

Le cœur du métier, pour Jean-Claude Marzana, c’est la peinture. Une passion héritée. « J’ai appris avec mon père, qui était peintre en bâtiment et en décor. Ce que j’aimais, c’était la satisfaction du travail bien fait. Petit à petit, j’ai appris à faire les choses à ma manière. »
Arrivé sur place, il n’a plus qu’à pousser le vélo dans la cour de l’immeuble. Une place de stationnement l’y attend, toujours libre : un luxe à Paris, accessible 24 h/24… à bicyclette.

Un Tour de France à l’atelier

Cette vie d’artisan cycliste ne date pas d’hier et se retrouve dans les recoins de son atelier : des roues et des pneus pendent au plafond, tandis qu’un vélo de course rose Mercier est accroché à côté des étagères où les pots de peinture sont rangés. « Un vélo qui a fait le tour de France dans les années 70, exceptionnel ! », s’exclame Jean-Claude Marzana. En dehors de ce deux-roues de collection et du vélo cargo, l’artisan possède aussi un vélo de course de grande qualité, auquel il peut accrocher ses deux remorques de tailles différentes.

Une camionnette pour les montage des chantiers

Devant l’atelier est, tout de même, garée une camionnette : « Je l’utilise seulement pour le montage de mes chantiers. Je l’ai depuis six ans et elle a 34 000 km au compteur. » Il tient d’ailleurs à préciser : « Je ne suis pas contre la voiture et je comprends tout à fait les artisans habitués à l’utiliser. Mais pour ma part, me déplacer à vélo est un vrai plaisir. » Qu’il neige, qu’il pleuve, que le chantier soit en banlieue ou non, « je m’organise à l’avance, je m’équipe », affirme l’artisan.

À 55 ans, Jean-Claude Marzana n’a aucune intention de descendre de son vélo. Et d’ailleurs, pas question de freiner, quelle que soit la monture. « Je fais encore un peu de skate, pour l’équilibre. Et du roller aussi. Plus jeune, il m’est même arrivé d’aller sur les chantiers… en rollers », glisse-t-il avec un sourire malicieux.

Victor Dubois-Carriat