Alors que la plupart des indicateurs sont au rouge, le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon, lors de sa conférence de presse de rentrée, prévoit un automne noir. Il a dressé un constat amer sur les perspectives d’activité des entreprises artisanales qui s’assombrissent pour la première fois depuis trois ans. Il a appelé à l’« état d’urgence » pour être à la hauteur des objectifs de rénovation énergétique.

Après les alertes, le signal d’alarme, les revers et la douche froide ! Pour sa conférence de presse de rentrée afin de présenter la note de conjoncture du deuxième trimestre, le président de la Capeb, Jean-Christophe Repon, n’a pas tenté d’enjoliver le tableau : « L’activité de notre secteur tombe dans le rouge pour la première fois depuis trois ans avec un recul de 0,5 % par rapport au deuxième trimestre 2022. » Les raisons d’un tel atterrissage en douleur : une inflation toujours au trot, le coup de froid persistant dans le neuf avec une diminution des permis de construire et des mises en chantier (- 1,5 %), un secteur de la rénovation atone (0 %) et des travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements qui peinent à se maintenir à + 2 %. Autant de sombres constats qui résonnent avec les incertitudes en série qui rôdent autour de l’économie française.

Le retour des incertitudes

Trois ans après l’épisode Covid où le BTP semblait se retaper, c’est donc le retour des incertitudes avec un bâtiment qui ne va plus, plombé par une inflation anémique aux effets délétères avec notamment des hausses des devis de 10 à 15 %, dissuadant les particuliers, déjà rudoyés par l’inflation, à se lancer dans des travaux (les carnets de commandes sont passés de 103 jours d’activité en 2022 à 79). Il y a donc urgence à tous les étals selon Jean-Christophe Repon qui déplore « des mesures de soutien au marché de la rénovation énergétique qui ne sont pas à la hauteur des enjeux ni adaptées aux ambitions ; des freins au développement du marché de la rénovation énergétique qui n’ont pas été levés avec des dispositifs complexes, sans cohérence, qui imposent des contraintes administratives décourageantes pour les entreprises ». Il a rappelé une fois de plus les groupes de travail mis en place par le Gouvernement dans lesquels la Capeb a fait des propositions concrètes ; propositions « pertinentes, puisque plusieurs ont été reprises par de hautes instances dans leurs rapports officiels », s’est-il félicité à l’instar de la simplification et l’harmonisation des dispositifs RGE, CEE et MaPrimeRénov’ ; la lutte contre la fraude (1 RGE par tranche de 10 salariés, taux de contrôles proportionnel au nombre de chantiers réalisés) ; l’encouragement aux GME non solidaires ou encore la possibilité de rénover un logement dans un parcours de travaux et non pas seulement de manière globale immédiate, et le financement d’un audit par les CEE après un premier geste de rénovation énergétique…

Le bâtiment en état d’urgence

Mais, « rien de ce qui a été proposé n’a été retenu par le Gouvernement », déplore-t-il. Au contraire, il estime que « les évolutions annoncées de MaPrimeRénov’ pour 2024 sont contreproductives », notamment l’interdiction des monogestes dans les passoires thermiques qui risque de dissuader les plus modestes à faire un minimum de travaux. Il regrette également que conditionner le versement d’aides à l’installation d’un chauffage décarboné conduise à exclure les ménages qui ont fait l’effort de remplacer récemment leur installation. Jean-Christophe Repon milite aussi pour instaurer un parcours de travaux afin d’aboutir à des rénovations globales et pour une articulation des aides en conséquence. Il émet également des réserves sur les capacités de l’Anah à absorber l’important surcroît de dossiers à gérer lié à la montée en puissance des Accompagnateurs Rénov’, à l’ouverture prochaine de MaPrimeAdapt‘ et à l’objectif de 200 000 rénovations globales dès le 1er janvier prochain dans un contexte où l’Anah peine déjà à traiter, de manière efficace, le dispositif de MaPrimeRénov’. Enfin, Jean-Christophe Repon s’est montré inquiet de la remise en cause la TVA à 10 % sur les travaux de rénovation qui « serait catastrophique, selon lui, pour le déploiement du marché ». « Beaucoup de travaux de rénovation énergétique s’inscrivent dans une rénovation plus large et le reste à charge des ménages serait décourageant alors que nous avions proposé un élargissement du taux de TVA à 5,5 % à tous les travaux de rénovation des logements », a-t-il expliqué.

Jeu d’équilibriste

Jean-Christophe Repon compare la situation actuelle chancelante « à un jeu d’équilibriste où les chefs d’entreprise sont constamment à la recherche d’un équilibre pour ne pas augmenter trop leurs devis et risquer de perdre des clients, ce qui aurait un impact sur le nombre de chantiers de rénovation réalisés, tout en essayant de ne pas rogner trop sur leur trésorerie et conserver leurs salariés. Il en va de la survie de leurs entreprises» Une survie qui pourrait être assurée par une vraie politique volontariste, mais Jean-Christophe Repon déplore naviguer dans un épais brouillard, ne récoltant que de grandes déceptions avec des secondes Assises du BTP toujours pas fixées, des incertitudes sur l’affectation de l’enveloppe supplémentaire de MaPrimeRénov’ annoncée par Elisabeth Borne, Première ministre, et les récentes déclarations du nouveau ministre du Logement qui fustige « la dimension artisanale » concernant la massification énergétique. Piqué au vif, le président de la Capeb s’est dit prêt à lui rappeler la nécessité de mettre en œuvre une grande politique de petits travaux, de libérer les initiatives sur le terrain. « Nous sommes des acteurs de terrain, qu’on nous simplifie la tâche et nous serons au rendez-vous des ambitions de la France », a-t-il conclu fermement.

©D.Parravano