Pour son vingtième anniversaire, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) organisait un colloque dédié à la qualité de l’air dans les espaces clos. Retour sur vingt ans d’actions structurantes et avancées des connaissances sur la qualité de l’air intérieur.

© Luc Benevello

A l’occasion de son vingtième anniversaire, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) organisait un colloque dédié à la qualité de l’air dans les espaces clos. Au fil des tables rondes, mobilisant un grand nombre d’acteurs français et européens de la communauté scientifique, du monde de la santé et du logement, plus de 500 participants ont pu découvrir ou approfondir leurs connaissances des travaux menés par l’Observatoire depuis 2001. Par exemple, les grandes campagnes nationales réalisées dans les différents lieux de vie pour déterminer l’exposition des populations à la pollution de l’air intérieur, via une approche anthropocentrée et pluridisciplinaire. Au-delà des actions menées, cette journée aura aussi été l’occasion de comprendre comment les connaissances ainsi acquises et enrichies éclairent les politiques publiques et accompagnent la prise en compte de ce défi par les acteurs de la construction et de l’immobilier.

Un défi de santé majeur

En 2001, les ministères en charge du Logement, de l’Ecologie et de la Santé, avec le concours du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et de l’Agence de la transition écologique (Ademe), créent l’OQAI. Sa mission : évaluer l’exposition des populations à la pollution de l’air intérieur dans les lieux de vie (logements, écoles, immeubles de bureaux et établissements sanitaires et médicosociaux). Le CSTB est alors chargé d’assurer la coordination scientifique et technique de l’Observatoire. Il mobilise une équipe d’une dizaine de chercheurs spécialistes en métrologie, statistiques et systèmes du bâtiment, pour concevoir et mettre en œuvre les campagnes nationales et les projets spécifiques indispensables pour faire avancer les connaissances, avec l’appui d’un réseau de partenaires à travers toute la France. Une gouvernance originale est également mise en place avec un conseil scientifique, un conseil de surveillance réunissant les fondateurs et un comité consultatif rassemblant les acteurs économiques et associatifs, qui font part de leurs besoins et attentes et avec lesquels sont régulièrement partagés les résultats. « En 2001, la qualité de l’air intérieur n’était pas encore perçue et traitée comme l’enjeu sanitaire majeur qu’elle est aujourd’hui », explique Andrée Buchmann, présidente de l’OQAI. « L’OQAI a largement contribué à cette évolution. Il a en cela pleinement joué son rôle, apportant des réponses fiables et objectives aux questions posées par la société. » A travers des campagnes de mesures ambitieuses, menées dans des conditions réelles d’occupation des lieux de vie, l’Observatoire a permis de livrer un panorama précis, à l’échelle du pays, de la qualité de l’air dans les espaces clos. Ces données accompagnent l’évaluation des risques sanitaires et constituent des éléments d’aide à la décision pour la définition des politiques publiques. Plusieurs actions majeures ont ainsi pu s’appuyer sur ces données et connaissances, à l’instar de l’étiquetage réglementaire des produits de construction et de décoration au regard de l’émission de composés organiques volatils (COV), mis en œuvre en 2012, ou la publication des premières valeurs limites réglementaires pour l’air intérieur, pour le formaldéhyde et le benzène, en 2011.

Le logement, déterminant essentiel

© Luc Benevello

En moyenne, les Français passent 67 % de leur temps dans leur logement, lieu de vie où ils sont généralement le plus en attente de confort. Or, la qualité de l’air intérieur est une composante essentielle de la santé et du confort. Cet enjeu est d’ailleurs largement reconnu au niveau international, comme l’a notamment souligné le docteur Maria Neira, directrice du département Santé publique et Environnement à l’OMS.

C’est dans ce contexte que, dès 2003, l’OQAI lançait la première campagne nationale Logements, dans 567 logements représentatifs du parc métropolitain. Une seconde campagne a démarré fin 2020, afin de mettre à jour les connaissances, tenant compte de l’évolution des réglementations, des modes de vie, de l’apparition de nouveaux polluants, etc. La pollution de l’air intérieur de 600 maisons et appartements sera ainsi décrite d’ici fin 2022. L’impact de cette pollution sur la santé sera aussi analysé.

Quelles incidences des bâtiments sobres en énergie ?

En lien avec les transitions énergétique et environnementale, les bâtiments sont de plus en plus performants. Ces évolutions et améliorations techniques peuvent avoir une incidence sur la qualité de l’air intérieur. C’est sur ce double enjeu que portait l’étude « Bâtiments performants en énergie », menée par l’OQAI entre 2012 et 2018, dans 128 logements occupés. Etaient notamment mesurés les concentrations en dioxyde de carbone (CO2), particules, aldéhydes et COV, la température et les débits/pressions aux bouches des systèmes mécaniques de ventilation. La présence de moisissures était également documentée par inspection visuelle et via l’indice de développement fongique.

Une incidence sur les capacités d’apprentissage

A l’échelle européenne, les enfants passent en moyenne, chaque jour de semaine, 27 % de leur temps à l’école. Or, on le sait, au-delà du confort et de la santé, la qualité de l’air intérieur a aussi une incidence sur les capacités d’apprentissage et de concentration, a fortiori chez les plus jeunes. La qualité de l’air intérieur dans les lieux d’enseignement est donc fondamentale. La campagne nationale Ecoles, menée par l’OQAI entre 2013 et 2017, a permis de dresser un état des lieux de la pollution de l’air et des poussières déposées au sol dans 600 salles de classe élémentaires et maternelles, réparties dans 300 établissements en France métropolitaine.

Quatre points de vigilance ont alors été soulignés : les particules fines observées dans des concentrations supérieures à la valeur guide proposée par l’OMS pour l’air extérieur en 2021 ; les composés organiques semi-volatils (COSV) sont omniprésents pour la plupart ; la présence de plomb dans des peintures à l’état dégradé dans 15 % des écoles ; un niveau de confinement de l’air intérieur (qualité du renouvellement de l’air) très élevé dans 40 % des écoles.

En conclusion de cette table ronde, les experts ont fait le point sur les enjeux de la qualité de l’air dans les écoles aujourd’hui, en lien avec la crise sanitaire et ses enseignements en la matière : nécessité de disposer de données affinées en fonction des territoires, renforcement des bonnes pratiques en matière de ventilation, renouvellement de l’air, choix des matériaux, suivi des concentrations intérieures via des capteurs connectés, etc.

© Luc Benevello

Travailler dans un environnement de bureau de qualité

L’impact de la qualité de l’air intérieur sur la concentration se vérifie aussi au travail. La question du renouvellement de l’air dans les bureaux est souvent posée, dans des environnements où il n’est pas toujours possible d’ouvrir les fenêtres.

Entre 2013 et 2017, l’OQAI a réalisé une campagne nationale de mesure dans 645 espaces de travail, répartis dans129 immeubles de bureaux en France métropolitaine, visant à évaluer la qualité de l’air intérieur, ainsi que le niveau de confort et de santé perçus. Globalement, cette étude a permis de constater que les concentrations de polluants dans l’air intérieur des bureaux sont plutôt faibles, en dehors du benzène ; les facteurs influençant la qualité de l’air intérieur sont divers : environnement extérieur, imprimantes, produits de nettoyage, type de ventilation et saison ; le bruit lié aux autres occupants est le principal motif d’insatisfaction en termes de confort perçu ; les symptômes les plus fréquents, rapportés par les occupants et attribués au bâtiment, sont la fatigue et la difficulté de concentration.

Quelles conclusions ?

En 2001, la communauté scientifique et technique savait déjà beaucoup de choses en matière de qualité de l’air intérieur. Mais les connaissances restaient éparses et les prises de conscience encore peu partagées. En vingt ans, l’OQAI a permis d’enrichir et consolider ces connaissances, construire et structurer un réseau d’acteurs aux expertises complémentaires pour avancer ensemble sur cet enjeu.

Fort de ces progrès, on dispose aujourd’hui d’un panorama global et beaucoup plus complet sur le sujet. Les polluants et indicateurs mesurés évoluent, mais la priorité reste inchangée : mieux connaître les environnements intérieurs pour sensibiliser, informer et apporter des solutions, avec des actions concrètes de prévention et d’amélioration de la qualité des lieux de vie.

© Dominique Parravano